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Le management intermédiaire — à distance

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Plusieurs billets ont déjà été publiés sur le sujet du travail à distance dans le monde des bibliothèques pendant cette crise sanitaire. A mon tour de partager cette expérience dans laquelle, j’imagine, un nombre important d’entre vous se reconnaîtront. J’ai apprécié l’article de Nathalie Clot et sa partition sens/processus/contenus. Il est mesuré et il contrebalance certains posts qui enfilent les perles du succès sur LinkedIn sans prendre trop de recul.

Dans mon cas, j’ai repris le travail deux jours avant le confinement, suite à un congé parental. Je me suis donc retrouvé à reprendre des dossiers, à me remettre à flot (tant que faire se peut en l’espace de deux jours)… et à rentrer chez moi.

On peut parler d’un prolongement du congé parental sur le plan personnel, car je suis en garde d’enfant à mi-temps et je ne suis donc pleinement disponible pour travailler que deux jours par semaine. Le reste du temps, je suis ce qu’il se passe et j’interviens quand je peux ou bien s’il y a une urgence.

Du travail dans l’urgence

Nous avons la chance d’utiliser Teams, l’équivalent de Slack chez Microsoft, depuis un moment. Son usage est efficace là où je travaille, et cela a facilité la mise en place d’un suivi rapide.

Réunion en visioconférence

En revanche, nous n’avions pas d’expérience du télétravail. C’est quelque chose que je regrette particulièrement aujourd’hui, car cela aurait pu nous fournir un socle de discussion sur nos pratiques improvisées.

Nous sommes arrivés à quelque chose qui tient à peu près à l’issue d’une semaine de mise en place du travail à distance (que l’on préfèrera au terme de télétravail qui fait référence à une pratique formalisée, alors que nous sommes tou-te-s dans ce qu’il y a de moins formalisable au sein de nos pratiques professionnelles : horaires, matériel, santé, … rien de tout ça ne bénéficie de règle prévues en amont. On part tou-te-s de rien, sans même pouvoir appliquer les directives prévues par la collectivité dans le cas du télétravail). Les collègues ont tou-te-s rempli une fiche de tâches possibles à distance. Un tableau de suivi collectif hebdomadaire a été mis en place.

Contenus

Au-delà des tâches individuelles ou collectives proposées par les collègues, deux aspects de notre travail de bibliothécaire se détachent rapidement dans le cadre de nos discussions : l’autoformation et la veille d’une part, et la communication externe d’autre part. C’est en tout cas ce que j’en retiens en tant que membre de l’équipe de direction.

Concernant l’autoformation et la veille, les membres de l’équipe Numérique travaillent à la valorisation des ressources trouvées (des MOOCs par exemple) et à leur partage.

Concernant la communication, les membres de l’équipe Communication se retrouvent en première ligne et doivent rapidement développer notre rythme de publication à travers nos différents canaux (réseaux sociaux, emailings et site Internet) afin de permettre à tou-te-s les collègues de participer d’une façon ou d’une autre, et de faire gagner en puissance ces outils de communication.

(Je suis actuellement Coordinateur de la communication, responsable de l’équipe Adultes et Coordinateur par intérim du numérique. Je parle donc de ce qui me concerne d’abord, mais j’aurais aussi pu parler d’un projet de recotation et de travail sur les budgets qui occupent aussi les collègues.)

Processus

Je dirais qu’il y a trois types de collègues durant ce confinement (si des collègues passent par là, je me suis inspiré de vous mais personne n’entre dans une seule de ces cases caricaturales 😉 ) :

La personne surinvestie qui veut tout faire, tout de suite, tout le temps. Elle répond aux messages le dimanche à midi ou le jeudi à 2h30 du matin, alors qu’elle n’agissait pas comme ça auparavant. Comme la machine-bibliothèque a du mal à prendre ses marques (on reste une administration), elle ressent de la frustration de voir tout ce travail stagner par moments alors que tout est prêt. Le pire pour elle ? Devoir attendre la validation d’un-e chef-fe pour un truc qui pourrait tout à fait fonctionner sans cela.

La personne culpabilisée car elle voit la masse de choses qui se fait au travail par les collègues mais elle se retrouve à devoir faire la classe à la maison. Cette personne aurait envie de s’investir davantage, mais c’est impossible : ses trois enfants ont tous trois des devoirs sans fin, demandent qu’on s’en occupe, … Le pire pour elle ? Voir des choses qu’elle aurait fait autrement et mieux se faire sans elle, sans que son ou sa responsable ne prenne le temps de mettre le holà.

La personne en souffrance car cette période touche tout le monde, mais certaines personnes plus que d’autres. Elle se montre déprimée ou peu disponible, stressée par les demandes contradictoires (l’impression de devoir passer sa journée devant l’ordinateur… mais aussi devoir préserver sa vue devant ce vieil écran et son dos sur cette mauvaise chaise). Le pire pour elle ? En plus d’être soumise à de l’anxiété en cette période difficile, elle ne comprend pas que la collectivité lui demande de s’investir autant alors que si l’on est honnête, dans de nombreux cas, il n’y a peut-être pas 35h à s’occuper pour un-e bibliothécaire à distance.

Et pour toutes ces personnes, chacun-e cherche tant bien que mal à trouver une forme d’équilibre, un rythme de travail qui corresponde.

Sens

En tant que manager, j’ai essayé de détendre la situation en rappelant qu’il n’y avait pas de pression, comme s’il suffisait de le dire pour que l’injonction s’auto-réalise. J’ai passé une partie importante de mon temps à tenter de déculpabiliser les personnes susceptibles de l’être, avec plus ou moins de succès.

Autre réunion en visioconférence

Je suis aussi Assistant de prévention et de sécurité, ce qui, en travaillant deux jours par semaine et en sus des autres activités, est une gageure. Mon travail en ce domaine se limite actuellement à rappeler qu’il ne faut pas rester longtemps assis, ni longtemps devant un ordinateur. Et à essayer au mieux que les collègues sachent où trouver des informations pour rester en bonne santé. Comment rendre légitime son travail quand on n’a pas l’impression de pouvoir le faire correctement, ce qui est le cas de tou-te-s ?

Au final, j’ai l’impression pendant cette période d’être utilisé sur les tâches essentielles d’un manager : conserver le lien, coordonner le travail et suivre les tâches des collègues, et tout ceci passe essentiellement par de la visioconférence, des appels téléphoniques et des messages rédigés. Ça peut être frustrant, alors qu’en même temps mes compétences en communication par exemple ne sont pas utilisées. C’est quelque chose que l’on accepte facilement en situation de crise sanitaire, mais qui interroge nos pratiques. On se retient de tirer des conclusions à la hâte et de se lancer trop vite dans l’après, mais je crains d’avoir peu de temps pour tirer des enseignements à l’heure d’une reprise qui se fera peut-être dans l’urgence.


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